Comment je continue à me réconcilier avec mon corps
photographie bastien coulon

Comment je continue à me réconcilier avec mon corps

Comment je continue à me réconcilier avec mon corps

Aimer son corps n’est pas une posture narcissique. Cela n’a rien à voir avec les diktats pour se préparer à s’allonger sur une plage cet été. Se réconcilier avec toutes les particules de sa chair est une étape essentielle pour décupler l’estime de soi. C’est aussi, à mon sens, un acte militant.

Il y a deux ans désormais, j’ai publié un texte qui a beaucoup touché celles et ceux qui l’ont lu : Comment je me suis réconciliée avec mon corps. C’était une réponse à un post précédent baptisé « comment je me suis disputée avec mon corps« . Comme je l’écrivais alors, j’avais la sensation d’être sur un chemin plutôt que d’être figée sur une ligne d’arrivée au moment où j’ai accouché de cet article sur la réconciliation. J’ai toujours cette sensation et j’espère bien continuer à la cultiver en progressant encore et encore. Ma relation à mon corps n’a cessé d’évoluer avec la pratique quotidienne du kundalini yoga. Jusqu’au mois d’avril 2018, je prenais trois à quatre cours par semaine mais je ne pratiquais pas quotidiennement. Il m’arrivait de m’asseoir quinze minutes sur un coussin de méditation avant de prendre mon petit-déjeuner mais cela restait rare. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai entamé une formation à l’enseignement du kundalini yoga : je voulais devenir autonome et trouver une motivation inébranlable afin de pratiquer chaque jour. Ce training intensif a accéléré tous les processus en cours. Un peu comme si j’avais passé mes émotions en mode essorage 1400 tours minute. La semaine dernière, je suis repartie dans les montagnes où j’ai entamé le level 2 de ma formation qui devrait m’occuper les deux prochaines années. De nouvelles prises de conscience ont émergé et m’ont conduites à m’interroger sur la relation que j’entretiens avec mon corps aujourd’hui. Or le post Instagram que j’ai livré à ce sujet a suscité tellement de réactions que cela m’a donné envie de poursuivre nos échanges sur le blog.

Photographie Bastien Coulon. sur la partie gauche de mon dos, ce ne sont pas des hématomes que vous voyez mais une maladie de peau, la sclérodermie

Aimer son corps. Totalement. Intensément. Sans choisir un angle particulier pour le regarder. Sans évincer le moindre micro millimètre cube de chair. Est-ce possible ? Je ne sais pas. C’est en tous cas dans cette direction que je souhaite avancer. J’ai longtemps cru que l’estime de soi pouvait être décuplée par le mental. Je suis désormais convaincue du contraire. L’estime de soi se déploie grâce à la connexion qu’on établit avec sa conscience. Et cela se produit dans le corps. Le corps est le seul véhicule que l’on ait ici et maintenant pour y parvenir. Or, on a tendance à envisager son corps de manière parcellaire. Fracturée. On veut bien reconnaître les cellules qui constituent l’iris de nos yeux mais on ne veut pas des cellules adipeuses sous le pli de la fesse. On veut bien de la matière grise de notre cerveau qui nous permet de faire preuve de logique mais pas question de s’approprier les cellules de la petite bosse que l’on a sous l’orteil. Encore moins d’être bienveillant avec ce bouton sur le menton, cette tache sur le visage, ce sein jugé trop lourd, cette nouvelle ride ou ce ventre saucissonné par une ceinture trop serrée.

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Comment faire ? Comment se réconcilier et accepter ce qui est sans jugement ? Comment prendre dans ses bras l’intégralité du corps physique que nous habitons ? Comment écouter les messages qu’il nous envoie constamment ? Comment les honorer ? Hum… Il va falloir s’aimer. S’aimer comme un parent enthousiasmé par son nourrisson. S’aimer comme un enfant qui découvre des flocons de neige tombés du ciel. S’aimer encore plus grand. Encore plus fort…

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Une opportunité de guérison

Du matin au soir, le corps physique nous envoie des messages. La plupart du temps, nous ne les écoutons pas. Soit parce que nous avons pris l’habitude de les ignorer (dans ce cas dix minutes de méditation quotidienne suffisent déjà à amplifier notre sensibilité à ces messages), soit parce que nous avons (et ça n’est pas forcément dissocié) peur des changements que ces messages exigent de nous. Peur des émotions qui pourraient surgir si on posait son oreille à l’intérieur. On est si déconnecté de nos sensations physiques que certain.e.s se sont habitué.e.s à la douleur et ne s’aperçoivent même plus qu’ils ont constamment mal au ventre ou au dos. Mon corps m’a fait souffrir très tôt. Je suis une ancienne asthmatique qui a passé son enfance un flacon de Ventoline dans le bec ; j’ai eu une tonne d’allergies respiratoires ; j’ai aussi eu des cystites chroniques qui provoquaient des saignements inquiétants ; j’ai dû faire une rééducation intensive chez le kinésithérapeute dès l’âge de 12 ans pour compenser une scoliose avancée et j’ai été championne du lumbago toutes catégories pendant vingt-cinq ans avec des pics me clouant au lit pendant plusieurs semaines. Je ne vous raconte pas ça pour me plaindre. Je sais que, parmi vous, il y a probablement des corps qui ont bien plus enduré que le mien. Pour résoudre ces problèmes de santé chroniques, j’ai consulté des dizaines de médecins, pris une tonne de médicaments, traversé des examens intrusifs en tout genre (dont plusieurs cystoscopies)… à l’époque, on ne valorisait pas beaucoup l’écoute du corps ni les médecines alternatives. Encore moins la méditation ou le yoga. QUELLE CHANCE NOUS AVONS D’ÊTRE VIVANTS À UNE ÉPOQUE QUI NOUS DONNE ACCÈS À AUTANT D’OUTILS EFFICACES ! Des outils qui ne sont pas « new age » mais « OLD age » ! Que l’on ait ou non le budget, que l’on vive dans une grande ville ou que l’on soit retiré à la campagne, Internet nous ouvre les portes de pratiques gratuites en ligne via Youtube, de cours abordables à suivre sur son écran, de forums sur lesquels échanger avec des gens qui partout dans le monde cheminent comme nous. Aujourd’hui, il me semble que ces manifestations précoces de mon corps physique n’étaient que des opportunités pour m’apprendre à guérir. Pas à éliminer le symptôme mais à guérir d’autres blessures plus profondes. Dès l’âge de 16 ans, j’ai compris que ces signes défaillants du corps illustraient un mal-être plus profond. J’ai commencé une psychanalyse qui m’a beaucoup appris sur les liens entre mes émotions et mes symptômes. Je pensais que le mental me permettrait de soulager mon état émotionnel et pourrait aussi guérir mon corps. J’ai obtenu certains résultats. J’ai creusé, pleuré, ruminé, déniché les monstres. Néanmoins, ce long travail d’une dizaine d’années n’a pas suffi à me réconcilier avec mon corps. D’ailleurs, pendant que j’étais en analyse et que je m’appliquais à tout vouloir comprendre, d’autres manifestations sont apparues : des troubles du comportement alimentaire. J’étais coincée dans une boucle, un genre de circuit fermé et malgré tous mes efforts et ma volonté à vouloir m’aimer plus, je continuais à me détester prodigieusement.

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Du corps physique à la spiritualité

Il m’aura fallu plus de vingt ans de plus pour comprendre qu’en prenant soin de mon corps, j’agis sur mon équilibre émotionnel et sur toute ma structure psychique. En 2016, j’ai atteint un poids que je n’avais encore jamais expérimenté. J’ai poussé mon corps au-delà de ses limites en travaillant nuit et jour, en me privant de sommeil, en cessant toute activité physique et en dévorant tout ce qui m’était proposé sans faim ni satiété. Je me sentais comme Adjani « au fond de la piscine dans son petit pull marine » sauf que j’avais l’impression de peser 140 kilos et de ressembler plus à un éléphant de mer qu’à une actrice césarisée. Estime de soi équivalente au niveau de l’océan : zéro. Pourtant, je crois que j’ai eu beaucoup de chance dans cette période chaotique : c’est cet état qui m’a poussé à me réveiller. La suite, vous la connaissez si vous avez déjà lu l’article dont j’ai parlé au début de ce texte : j’ai décidé d’entamer un régime (je l’ai fait chez Weight Watchers mais cette méthode est loin de convenir à tout le monde et elle n’est pas recommandée à ceux qui souffrent de troubles du comportement importants car elle peut rendre « control-freak ») car je ne me supportais plus physiquement. Simultanément, j’ai commencé le kundalini yoga et en quelques mois j’ai perdu le poids que j’avais pris, je me suis stabilisée puis j’ai cessé de contrôler mon alimentation pour me fier uniquement à mes sensations, ce que je n’aurais pas réussi à faire sans la pratique régulière de ce yoga. La grande découverte de cette traversée c’est qu’en traitant le corps physique (plus de sommeil, plus d’activité physique, plus d’équilibre alimentaire, plus de respiration) j’ai guéri des blessures invisibles et commencé à faire taire ces petites voix négatives qui m’auto-flagellaient du matin au soir. Et puis, tenter de me réconcilier avec mon image m’a donné accès à ma conscience supérieure, une source d’amour que je n’avais encore jamais expérimenté jusqu’alors. J’entends souvent des gens juger les motivations de ceux et celles qui se mettent au yoga. Il faudrait que ce soit immédiatement pour des raisons vertueuses. Pourquoi donc ? Pourquoi mépriser celles qui viennent pour maigrir, s’assouplir ou se raffermir ? Peu importe l’envie de départ ! L’important est l’endroit où la pratique risque de nous mener. Dans mon cas, j’ai commencé le kundalini yoga pour faire plaisir à mon amie Aurélie alors que je n’avais pas DU TOUT envie d’aller chanter des mantras avec un prof habillé en blanc et un folklore qui me paraissait sectaire. Heureusement que ça se passait dans un studio chic parisien et que l’enseignante était extraordinaire, car snob comme je l’étais à l’époque, je n’aurais probablement jamais suivie Aurélie sans ça.

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Faut-il maigrir pour aimer son corps ?

Est-ce que cela signifie qu’il faut changer de poids pour s’aimer ? Absolument pas. Se réconcilier avec son corps et ne faire plus qu’un avec lui, c’est l’accueillir pleinement comme il est. Respecter sa nature, sa constitution et ses besoins. Dans ma nouvelle promotion qui réunit des enseignants déjà diplômés, on fait tous beaucoup de yoga et on mange sainement. Pourtant il n’y a pas un corps qui ressemble à un autre. Certaines silhouettes sont minces, d’autres maigres, costaudes ou rondes. Il y a des grands et des petits, des filles archi souples et des articulations plus raides. Si l’on croit que se réconcilier avec son corps signifie adopter les codes de beauté imposés par le milieu de la mode ou ressembler à une prof de yoga vinyasa en plein grand écart, on est condamné, à mon avis, à aller droit dans le mur. Si l’on se dit « j’aimerais mon corps le jour où j’entrerai dans une taille 36 » ou bien « tout ira mieux le jour où j’aurai des fesses aussi lisses que le mannequin de cette pub en vitrine de la pharmacie » on risque de continuer à le/se détester. Parce que ces ambitions nous maintiennent dans la comparaison et le jugement. Or, à ce jeu-là, on est perdant à tous les coups : le jugement dévore tout cru l’amour de soi. En prime, viser constamment le futur nous empêche d’observer le process en cours, il nous sépare de l’instant présent et des messages envoyés par le corps ici et maintenant. Pour moi, il ne s’agit pas de poids mais de recontacter son plein potentiel, ce qui est très différent.

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« I love my body. My body is a beautiful creation… »

Je reçois souvent des messages de ce type : « C’est bien gentil de dire qu’il faut s’accepter tel que l’on est, mais moi, je déteste ce que mon corps est devenu et je n’arrive pas à me réconcilier avec lui. C’est une lutte permanente et la seule chose qui m’aide c’est de ne pas me regarder dans un miroir ou sur une photo ». Comme je comprends ce désespoir ! L’électrochoc pour moi est arrivé le jour où l’une de mes amies a eu un cancer. Je l’ai vue changer toute son hygiène de vie pour sauver sa peau et supporter son traitement au mieux. J’ai regardé mon corps et j’ai brusquement eu envie de lui dire « Je t’aime. ». Le remercier de m’avoir soutenue malgré toutes les souffrances que je lui ai infligées. Le serrer dans mes bras et lui murmurer « je te remercie d’être resté en bonne santé malgré tout et de me permettre de continuer à chanter, danser, faire l’amour, courir, nager, respirer, porter mon enfant sur mes épaules… ». Avez-vous déjà essayé de faire une déclaration d’amour à votre corps ? Cette machine d’une intelligence rare qui inspire et expire miraculeusement, renouvelle vos cellules, digère tout ce que vous lui donnez, transforme, filtre, purifie, produit des hormones et de la joie pure ? J’ai appris une chanson pendant ma semaine de formation. Un petit mantra en anglais que je chante à présent au moins une fois par jour : « I love my body. My body is a beautiful creation. A creation of God ». Si vous n’êtes pas à l’aise avec le mot Dieu (qui fait référence à l’Univers tout entier dont nous faisons partie), vous pouvez remplacer par Love. Ça vous paraît naïf et idiot ? Répétez la phrase à haute voix et observez l’émotion ou la sensation corporelle que cela provoque en vous. Il est grand temps de lui dire je t’aime. Il est grand temps de se dire je t’aime.

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Écouter les besoins du corps physique

Si le but n’est pas forcément de changer de poids, aimer son corps passe en revanche par une écoute aiguisée de ses besoins. Aller au-delà de sa faim à chaque repas, s’alimenter avec excès de produits que nous avons du mal à digérer (pas ceux que les médias désignent comme mauvais, mais ceux qu’on a identifiés après un repas comme étant toxiques pour nous) sont des comportements qui ne nous permettent pas d’honorer l’intelligence de notre corps. Et ça vaut de même pour le sommeil, le travail, le tabac ou les drogues : si l’on envoie constamment à son corps un message haineux, cela paraît difficile ensuite de se sentir en harmonie avec lui et donc avec nous-mêmes. Est-ce que je suis toujours à l’écoute des besoins de mon corps ? Non. Il m’arrive de ne pas l’écouter. De manger plus que ma faim. De prendre un dessert alors que j’ai déjà reçu des signaux de satiété. De continuer à écrire alors que mes yeux se ferment devant mon clavier. Est-ce si grave ? Ce n’est plus la question que je me pose aujourd’hui. Lorsqu’il m’arrive de ne pas écouter mes besoins, j’observe la situation avec honnêteté et conscience et j’essaie de ne pas me juger. Cesser d’écouter mon corps pendant une trop longue période me conduit à la déprime dans un premier temps et au désamour de moi dans une seconde phase. Comme je tiens un journal, je vois lorsque j’oscille de l’harmonie, du sentiment d’union entre le corps, la tête et l’esprit, à la sensation de séparation ou de dualité. Dès qu’on se sépare de son corps sur le plan sémantique, qu’on en parle comme d’un ennemi, on sait qu’il est temps de se réconcilier. Lorsque j’écoute et respecte les messages envoyés par mon corps, il n’est plus question de régime ni de règle stricte. Or, comme je le disais plus haut, la seule méthode qui me permet d’entendre les signaux est la méditation. Avoir une pratique méditative quotidienne permet de garder une posture d’observation et de recevoir les messages. J’ai choisi le kundalini yoga mais il y a des milliers d’autres pratiques. A vous de tester et de choisir celle qui vous convient. Si vous êtes novice, commencez par une application et un programme de dix minutes par jour. Puis augmentez progressivement lorsque les dix minutes seront parfaitement intégrées dans votre quotidien.

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Mettre le mental au service du corps et non l’inverse

Ce n’est pas parce qu’on développe sa capacité d’écoute et d’observation de ce qui est qu’on ne doit plus faire appel au mental. D’autant qu’il fait aussi partie du corps et qu’il travaille en permanence. L’idée est de le coacher pour neutraliser les pensées négatives et le mettre au service du corps et de notre conscience supérieure plutôt que l’inverse. Au fond, on sait ce qui est bon pour nous. Notre instinct le sait. Notre intuition aussi. Mais le mental parle si fort qu’on n’écoute plus que lui. Et il nous piège car il n’arrête pas de nous faire miroiter des plaisirs immédiats. Sauf que le bliss de l’amour de soi vaut infiniment plus que le plaisir fugace d’un excès quel qu’il soit. Facile à écrire, pas facile à mettre en pratique. Là encore, la pratique quotidienne m’aide infiniment car c’est un constant « reminder » du « je m’aime » qui me paraît être un préambule indispensable. En prime, en mobilisant mon corps physique avec des enchainements de postures, en utilisant des exercices de respiration (pranayma) je neutralise mon mental, je le mets au repos. Une fois qu’on a établi qu’il s’agit d’amour et de réconciliation, alors on peut mettre son mental au service de ce projet afin qu’il nous aide à instaurer une discipline (je ne parle pas de contrôle mais de discipline, c’est différent !) qui va nous faire du bien. Faire les courses régulièrement pour avoir toujours sous la main des produits bons et faciles à cuisiner. Installer un rendez-vous quotidien avec soi pour méditer. Organiser son emploi du temps pour pouvoir faire une activité physique qui nous plait. Prioriser du temps pour cuisiner quotidiennement (une méditation en soi)…

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L’auto massage ou la déclaration d’amour de soi

Pendant ce premier module de niveau 2 (teacher training de kundalini yoga), j’ai acquis énormément de connaissances sur les méridiens. J’ai appris à me masser le matin au réveil en suivant un circuit bien précis. On utilise de l’huile végétale bio (amande douce, chanvre, sésame) et on se masse intégralement avec une intention de « self love ». Il existe de nombreuses possibilités pour se masser et il faudrait que je fasse une vidéo pour vous montrer le massage que j’ai appris. Mais même sans connaître de techniques de massage, reprendre contact avec toutes les zones de son corps au réveil permet de s’envoyer un message extrêmement bienveillant. Vous pouvez commencer par brosser le corps, passer sous une douche glacée pour réveiller toutes vos cellules puis vous masser à l’huile. Ou bien vous masser à l’huile avant de passer sous la douche glacée (le matin, je ne me nettoie pas sous la douche froide, je me lave le soir sous une douche chaude avec du savon) : l’huile forme une petite pellicule thermique qui rend le froid plus acceptable. Dans tous les cas, essayez l’auto massage. Et faites-le vraiment avec une intention d’amour et de gratitude infinie pour ce corps qui vous donne tant !

Se réconcilier avec chaque micro fibre de son corps


J’ai encore du chemin pour aimer mon corps dans son intégralité. J’ai pris conscience cette semaine que la route était encore longue mais j’y suis engagée. Je suis revenue de ma formation déterminée à me respecter plus encore qu’avant et à faire la paix avec les zones que j’aime moins lorsque je me regarde dans un miroir. Les parties visibles sur lesquelles je ne projette pas que de l’amour. Je veux réussir à aimer toutes les zones de mon corps sans choisir l’angle qui m’embellit selon des critères de beauté dépendants de mon époque. Je veux épouser ce que je considère encore comme des défauts ou des failles. Je veux m’incliner devant tout ce qui est et me constitue sans distinction. Whaou, je peux vous dire que je n’y suis pas mais le fait de l’écrire ici m’y engage encore plus, c’est vertigineux ! Et le processus en cours est déjà fabuleux, peu importe que j’y arrive ou non, le work in progress est jouissif !

photographie bastien coulon. ma sclerodermie que je ne vois jamais car elle est dans mon dos

Aimer même ses profondeurs

Les nombreux problèmes de santé au cours de mon enfance ont construit une pensée négative très puissante : je me suis longtemps sentie pourrie de l’intérieur. Les séances de kinésithérapie pendant lesquelles on m’appuyait sur le thorax jusqu’à temps que je vomisse des gobelets de crachats verdâtres restent un souvenir répugnant. Les cystoscopies à répétition (un examen sous anesthésie générale qui consiste à faire passer une caméra par le canal de l’urètre pour vérifier qu’il n’y a pas de coupure dans la vessie) m’ont fait douter du bon fonctionnement de l’intérieur de mon corps. J’imaginais que j’étais probablement en putréfaction puisque tout ce qui sortait de mon corps me dégoûtait. Inutile d’avoir lu tout Freud ou d’avoir fait une psychanalyse pour faire le lien avec le métier que j’ai choisi d’exercer pendant 15 ans : journaliste beauté. Gommer, embellir, cacher les mauvaises odeurs, effacer les défauts, lisser la surface, exterminer les boutons… Je ne parle que de moi bien sûr, je ne suis pas en train de dire que la curiosité pour les sujets esthétiques ou olfactifs est forcément lié à un désir de masquer ce que l’on considère comme des imperfections. Mais je vois bien comment ces sujets ont résonné avec mon histoire personnelle et le désamour précoce de mon propre corps.

Se réconcilier avec son cycle

La libération de la parole des femmes a considérablement changé notre rapport au cycle menstruel. Il y a encore trois ans, lorsque je travaillais au journal Le Monde, je me souviens que j’envoyais un email ou un texto aux journalistes installées en face de moi pour leur demander un tampon parce que je n’osais pas énoncer ma question à haute voix devant tout le monde. C’était encore un sujet tabou, honteux, secret. Avant de commencer le kundalini yoga, j’ai fait le choix d’un stérilet qui m’est apparu miraculeux. J’avais testé le stérilet en cuivre qui n’avait pas bien fonctionné sur moi (douleurs, règles trop abondantes pendant des mois). J’ai cette fois opté pour une solution plus radicale : un stérilet hormonal qui supprime les règles ou presque. Je trouvais ça fantastique. Plus de règles, plus de protections à acheter (et toutes les questions de santé et d’impact environnemental qui vont avec). Je n’ai ressenti aucun effet secondaire désagréable et bien que je sache pertinemment que les hormones chimiques sont mauvaises pour le corps, cela me semblait être la solution la moins « pire » pour moi. Jusqu’à ce que je commence à assister à des rituels les soirs de nouvelle lune ou de pleine lune. Jusqu’à ce que je lise le livre La Puissance du Féminin de Camille Sfez. Jusqu’à ce que j’en discute avec ma prof de kundalini yoga Caroline Benezet. Comment me réconcilier avec mon corps tout entier sans renouer avec les sécrétions issues de mon pouvoir féminin ? Comment lui envoyer tout mon amour en refusant le flux ? J’avais conscience de toutes ces incohérences mais par flemme, je n’ai pas cessé de repousser le rendez-vous pour retirer ce stérilet. Lorsque je l’ai finalement retiré, j’ai ressenti une joie immense. Comme si je retirais une muselière. Comme si je reprenais contact avec tous mes pouvoirs.

Photographie Bastien Coulon

Prendre soin des mots avec lesquels on parle de son corps

Gros cul. Jambes poteaux. Cuisses adipeuses. Maigreur maladive. Moche. Seins en gants de toilette. Fesses en gouttes d’huile. Gras du bide. Gros nez. Cheveux pauvres. Frisottis en poils de cul. Plate comme une planche à repasser. Paluches. Puer. Elle a pris cher. Genoux cagneux. Yeux en trous de bite… Tous ces mots qui TUENT l’amour de soi. Sans crier gare, ils distillent leur poison. On les a entendus ou utilisés pour parler de soi ou rire des autres. Garder une parole impeccable (un des quatre accords Toltèques) c’est aussi prendre soin des mots que l’on choisit pour parler de son corps et de celui des autres. Hiérarchiser les corps est le plus court chemin pour détester le sien. Dès que vous repérez que vous êtes en train d’utiliser des mots haineux pour parler de votre corps ou de celui des autres, arrêtez-vous, respirez et pardonnez-vous. Si vous êtes dans une discussion avec quelqu’un qui commence à le faire à son tour, trouvez un moyen de changer de sujet. Ne vous laissez pas piéger par le bashing corporel. Je me souviens qu’adolescente, on passait des heures à décrypter les corps des unes et des autres sur la plage. J’avais une copine qui devait vraiment se détester. Elle adorait nous distribuer des notes. Elle me disait: « tu pourrais être un 18/20 avec le visage que tu as mais vu comme t’es gaulée, tu descends direct à 12/20. » Ces comportements perdurent parfois bien après l’adolescence. Combien de fois j’ai entendu ou participé à des discussions nauséabondes sur le « gros cul » de X, les « rides » de Y ou les « cheveux blancs » de Z. STOP ! Est-ce que vous voyez combien cela nous détruit ? Combien cela nous sépare de nous-même et des autres? Il est temps d’essayer une autre voie.

Danser, chanter, rire

Le yoga ou la méditation ne sont pas les seules clés pour réussir à aimer son corps. Si vous n’avez pas la possibilité de pratiquer ou bien si ces techniques ne vous parlent pas, mettez de la musique et dansez ! Chantez à tue-tête et bougez dans tous les sens sans essayer de faire de jolis mouvements. Faites ça en famille. Riez tous ensemble à faire les fous pendant un quart d’heure. C’est jouissif. Ca donne tellement de joie. C’est un moyen gratuit et ultra efficace de se reconnecter à son enfant intérieur et de célébrer la magie du corps. Dansez de tout votre être jusqu’à ce que la transpiration apparaisse et allongez-vous quelques minutes après avoir sué : observez comme tout est parfait. Regardez la joie qui palpite dans les moindres recoins du corps… Savourez !

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Mettre du sacré dans son quotidien

Certains pensent que mon obsession pour les jolies céramiques ou les fleurs fraiches est un pur snobisme. Ceux qui ont lu les premières pages de mon livre Pimp My Breakfast savent bien qu’il s’agit au contraire de mettre de la beauté dans le banal du quotidien afin d’atteindre plus facilement la pleine conscience. Quelle que soit la manière dont vous avez envie de vous nourrir, que vous ayez envie d’un énorme burger frittes ou de pousses vertes, sortez de belles assiettes, installez-vous à table, soyez rempli.e.s de gratitude pour le repas que vous vous apprêtez à faire, coupez les écrans et dégustez comme s’il s’agissait du premier repas de votre existence. Si le burger est de mauvaise qualité, je peux vous assurer que vous ne pourrez pas le manger jusqu’au bout. Buvez de l’eau comme si vous vous incliniez devant la beauté d’une rivière, prenez votre douche comme s’il s’agissait d’un rituel de purification, allumez une bougie comme si vous réveilliez le feu en vous, allongez-vous au sol en sentant votre chair connectée à la bienveillance chaleureuse de la terre, regardez les étoiles en vous souvenant que vous êtes fabriqué.e.s des mêmes atomes… Mettez du sacré dans votre façon de bouger et de parler aux autres. C’est un exercice difficile. Mais il suffit d’y penser quelques fois dans la journée pour augmenter l’amour de la vie et l’estime de soi.

S’engager sur ce chemin de réconciliation avec le corps que nous habitons n’est pas du narcissisme. C’est une étape indispensable pour changer le monde. En changeant notre regard sur nous-mêmes, c’est notre énergie toute entière qui est transformée. Imaginez l’impact que nous allons ainsi pouvoir avoir sur nos enfants et sur notre entourage en diffusant ces ondes positives. On s’y met ?